3

David desserra sa ceinture d’un cran et poussa un grognement de soulagement. Helen Banks sourit devant ce compliment indirect fait à sa cuisine et commença à débarrasser la table.

« Allez donc prendre un peu l’air, tous les deux, pendant que je fais le café, dit-elle en empilant les assiettes sur la table roulante.

— Voilà une excellente idée », répondit Gregory, repoussant sa chaise de la table.

On était samedi soir et le procès était ajourné jusqu’au lundi. David avait soufflé un peu après le témoignage de Terry Conklin, le vendredi après-midi. La victoire, en tout état de cause, lui paraissait acquise. Même Rudy, un gardien de prison qui exprimait rarement son opinion, avait lancé un commentaire sur la prochaine sortie de Stafford.

Comme chaque année ou presque, les premiers froids de l’automne avaient momentanément laissé la place à un faux printemps et les fleurs s’ouvraient à l’air tiède d’octobre, réveillant d’agréables souvenirs d’été. Gregory alluma un cigare et les deux amis gagnèrent la terrasse. Le fleuve coulait dans l’obscurité, paisible comme l’était David.

« Qu’y a-t-il au menu, lundi ? demanda Gregory.

— Je ne sais pas, répondit David en se laissant tomber dans une chaise longue. Monica prétend qu’elle pourrait avoir les éléments d’une réfutation, mais je ne peux imaginer de quoi il s’agit.

— Elle va peut-être envoyer un de ses propres enquêteurs au motel refaire des photos sur lesquelles on distinguerait les traits du visage.

— Aucun danger. J’ai fait contrôler le travail de Terry par deux autres professionnels avant de le présenter au tribunal. Etant donné les conditions d’éclairage, Ortiz n’avait aucun moyen de distinguer les traits du tueur. »

Gregory s’enfonça dans son siège et tira sur son cigare. Le calme régnait sur la terrasse. La brise était fraîche et les lumières des péniches habitées, de l’autre côté de l’eau, donnaient l’impression de clignoter au gré des mouvements provoqués par le courant.

« Est-ce que tu connais un peu cet Ortiz, Dave ? demanda Gregory au bout d’un moment.

— Pourquoi ? »

David se sentait somnolent ; le repas trop copieux et le vin l’avaient fatigué, les bruits qui montaient du fleuve le berçaient.

« Je ne sais pas. Je trouve simplement surprenant qu’il soit aussi sûr de lui, si ces photos ont été bien faites.

— Il arrive que notre esprit nous joue de drôles de tours, parfois. N’oublie pas qu’il venait d’être frappé à la tête et qu’il arrivait de l’extérieur dans une chambre obscure. Un psychiatre aurait probablement mille explications à proposer.

— Tu as raison. De toute façon, si cela te permet de boucler l’affaire, peu m’importe ce qu’il a vu.

— À la confusion de nos ennemis ! » lança David en buvant une gorgée dans le verre qu’il avait emporté avec lui.

Gregory leva son cigare.

« Cette affaire aura déjà eu au moins un avantage, celui de te rendre le moral.

— Que veux-tu dire ?

— Tu nous as pas mal cassé les pieds au bureau, ces temps derniers. Je crois que je peux te le dire, à présent que ta période de cafard semble être passée.

— Je ne vois… oh ! tu veux parler de l’affaire Seals ?

— De celle-ci et de quelques autres.

— C’était à ce point-là ?

— Oui, au point que je commençais même à me faire du souci pour toi. Il faudrait que tu te poses… que tu te trouves une fille bien.

— Comme Helen ? »

Gregory acquiesça.

« Des comme elle, on n’en fait plus », répondit David d’un ton léger, essayant d’imaginer quel effet cela lui ferait de voir Jennifer tous les matins en se réveillant et de l’embrasser tous les soirs.

« Il faut que j’aille aux toilettes, dit Gregory. Garde-moi la place, veux-tu ?

— Ça ne devrait pas être trop dur », répondit David en reprenant un peu de vin.

Un peu plus haut sur le fleuve, un pétrolier actionna sa sirène. Un bref instant, David se sentit désorienté, puis il reconnut l’impression quelque peu troublante de déjà vu. La nuit paraissait appartenir à deux époques et il dut faire un effort de mémoire pour que le passé collât au présent. Doucement, comme la brise nocturne, les choses lui revinrent. Il avait régné une ambiance semblable, le soir où il avait rencontré Jennifer pour la première fois. Le fleuve paisible, les bruits nocturnes, le vent léger. L’air dégageait même des parfums identiques. Le souvenir se fit très présent, très réel, comme s’il venait de voyager dans le temps, comme si Jennifer allait apparaître sur la terrasse, en silhouette contre le ciel. Il sourit. C’était un souvenir plaisant, une pensée apaisante.

Il évoqua le moment où il l’avait vue la première fois – non pas sur la terrasse, mais en marge du petit groupe d’invités. Il revécut ses impressions. Comme il l’avait trouvée belle !

Puis, telle la dernière pièce d’un casse-tête chinois, une nouvelle pensée vint se mettre en place, et sa paix intérieure vola en éclats. Quelque chose d’autre s’était produit ce jour-là. L’entretien avec la jeune fille – la victime dans l’affaire Seals. Il se redressa. Son cœur battait à tout rompre.

« Le café est prêt », lui lança Helen depuis la porte.

David ne répondit pas. Il réfléchissait. Essayait d’être sûr, espérant se tromper.

« Tu as entendu, Dave ? »

Il se leva. Il se sentait écœuré.

« Ça ne va pas ? demanda Helen.

— Je viens de me rappeler… quelque chose à faire. Je crains de ne pas pouvoir rester pour le café.

— Tout de même, Dave… tu pourrais t’autoriser à prendre au moins une journée de repos, non ? »

David lui toucha l’épaule, essayant de rassembler ses idées. Il se trompait peut-être. Il avait très envie de se tromper.

« Si je ne vérifie pas cette chose, dit-il, réussissant à sourire, je ne pourrai pas dormir de la nuit.

— Puisque tu es bien décidé, soupira Helen.

— Décidé à quoi ? demanda Gregory.

— Je dois partir, Greg. Un détail dont je viens juste de me souvenir, et qui ne peut pas attendre. »

Gregory le regarda très attentivement. Il lut, dans les rides d’inquiétude de son jeune ami, que ce « détail », quel qu’il fût, devait être sérieux.

« Tu n’as pas besoin d’un coup de main ?

— Non, merci. C’est une question que je dois régler tout seul. »

Et seul, il l’était. Plus que jamais.

*

Le gardien des services de sécurité, dans le hall, lui fit signer son registre et David prit le seul ascenseur qui fonctionnait à cette heure pour gagner le trente-deuxième étage. Il ouvrit le local du cabinet avec sa clef personnelle et, le pas vif, allumant les lumières au passage, se rendit jusqu’au fond du couloir, dans la salle des archives ; les corridors obscurs s’éclairaient au fur et à mesure.

Déposé dans les rayonnages des affaires classées, l’épais dossier était intact, et la cassette audio se trouvait toujours dans son enveloppe de papier bulle, scotchée à l’intérieur du cartonnage. David retourna dans son bureau avec le tout et referma sa porte. Il prit un magnétophone, dans un de ses tiroirs, y glissa la cassette, appuya sur marche. La bande commença à se dérouler. Il s’enfonça dans son siège et écouta, priant avec ferveur. J’ai dû me tromper. Espérant encore ne pas entendre ce qu’il allait entendre.

Une voix monta du magnétophone. « Je suis l’inspecteur Leon Stahlheimer. Nous sommes le jeudi 16 juin… »

David arrêta la bande.

Rien que des mensonges. Elle avait menti à la barre et elle lui avait menti. Elle l’avait utilisé. Est-ce qu’il s’était agi d’un jeu pour elle ? D’un rôle qu’elle avait soigneusement répété ? Les émotions qu’elle avait prétendu ressentir avaient-elles eu la moindre réalité ? Et quelle importance ? Pourrait-il jamais l’aimer à nouveau ?

Il éteignit tout. C’était mieux dans le noir. Ne rien voir l’aidait à se concentrer. Que devait-il faire ? Que pouvait-il faire ? Il se sentait impuissant, vaincu. Tout ce qu’il avait échafaudé, l’amour de Jennifer, l’innocence de Stafford, n’avait été que des rêves qui s’effondraient, l’écrasant sous leurs débris.

Tout le désespoir qu’il avait éprouvé quelques mois auparavant l’envahit à nouveau, le noyant dans un océan de dégoût et d’apitoiement sur lui-même. Le sentiment mortel de vacuité qu’il croyait avoir surmonté revint le ronger, ne lui laissant que les os – il se sentait navré, épuisé, vieilli.

Il consulta l’horloge sur son bureau. Minuit. Pas trop tard pour une confrontation. Pas trop tard pour mettre un terme à quelque chose qui avait été si doux…

Il ne garda pratiquement aucun souvenir du trajet jusqu’à Newgate Terrace. Il roula à fond. Il y avait quelques véhicules sur l’autoroute ; puis ce fut la route de campagne sinueuse et enfin les graviers de l’allée qui crissaient sous ses pneus. Les lumières de la maison s’allumèrent quand il frappa pour la deuxième fois et la première chose dont il se rappela par la suite fut le visage de Jennifer, pâle, ensommeillé.

« Tu as menti », dit-il, l’obligeant à battre en retraite dans le vestibule.

Les pièces qui donnaient sur l’entrée, plongées dans l’obscurité, étaient sur la scène d’un minuscule théâtre.

« Quoi ? » demanda-t-elle, toujours pas complètement réveillée.

Il la prit par les épaules et l’obligea à le regarder dans les yeux, des yeux dans lesquels brûlaient la colère et la douleur de celui qui sait.

« Je veux la vérité. Tout de suite. Toute la vérité.

— Je ne… », commença-t-elle, se tortillant pour essayer de se dégager.

Les doigts de David s’enfonçaient cruellement dans la chair tendre de ses épaules et lui faisaient mal.

« Je vais te faciliter les choses, Jenny, dit-il, prononçant ce nom qu’il aimait tant naguère comme si c’était une insulte. Nous nous sommes rencontrés, ce soir-là, chez Greg. La soirée de collecte de fonds du sénateur Bauer. Tu t’en souviens ? La première fois que nous avons fait l’amour. »

Elle grimaça. La façon dont il avait dit fait l’amour rendait la chose sordide – la copulation d’un ivrogne et d’une pute dans une chambre de motel minable.

« J’avais interrogé une adolescente le matin même, au refuge. Nous avons enregistré la conversation. La date figurait sur l’enregistrement. 16 juin. Le jour où Darlene Hersch a été assassinée. Tu ne peux pas avoir été avec Larry ce soir-là, Jenny. Puisqu’on baisait ensemble. Tu t’en souviens ? »

Sa tête partit de côté comme s’il venait de la gifler. Il la secoua pour l’obliger à le regarder.

« Non ! gémit-elle.

— Tu m’as menti.

 Non !

— Sachant cela tout le temps ! hurla-t-il.

— Non, je n’ai pas… je… je t’en supplie, David, je t’aim…

— Aimer ? » rugit-il, la giflant du revers de la main.

Les yeux de la jeune femme s’agrandirent. Elle s’effondra aux pieds de David.

« Dieu me pardonne, si jamais tu utilises encore ce mot, je te tue. Tu ne sais rien de l’amour. »

Il grondait, les dents serrées.

Elle tendit les mains à l’aveuglette, essayant de le toucher.

« Ce n’était pas… je… laisse-moi t’expliquer. Ne t’en va pas comme ça. Je t’en prie ! »

Il la regarda. Pelotonnée sur elle-même comme une enfant, sa longue chevelure blonde cascadant dans son dos, les épaules secouées de sanglots misérables.

« Je suis désolée, David, vraiment désolée, balbutia-t-elle, mais il n’y avait pas d’autre moyen. Je ne voyais pas ce que je pouvais faire d’autre.

— L’idée de me dire la vérité ne t’est pas venue à l’esprit ?

— J’avais peur que tu ne veuilles pas défendre Larry. J’ai pensé… les choses se présentaient tellement mal ! En plus, je crois toujours qu’il est innocent. Mais personne d’autre ne l’aurait cru. »

David l’observait, le regard dur, s’efforçant de deviner ce que cachait ce visage ravagé, noyé de larmes.

« Innocent ?

— Larry me l’a juré. Je ne sais pas si… je ne pense pas qu’il mente.

— En tout cas, à moi il a menti lorsqu’il a dit qu’il était avec toi le soir du meurtre.

— Oui. Je t’en ai même parlé, ce jour-là, dans ton bureau. On s’est disputés, fl a dîné avec Barry Dietrich, puis il est retourné travailler au bureau. Je n’en pouvais plus. Je ne le voyais plus jamais. C’était ce foutu boulot. Devenir partenaire, c’était tout ce qui comptait pour lui. Je l’ai appelé pour lui dire que j’allais le quitter. »

David, en écoutant Jennifer, croyait entendre l’écho de ses querelles avec Monica. Ses épaules s’affaissèrent. Il alla s’asseoir sur la première marche de l’escalier. Jennifer paraissait épuisée. Elle ne pleurait plus.

« Ce mariage a été une erreur dès le début. Larry est comme un enfant, égocentrique, dominateur. Il faut que tout se passe comme il le veut. Ce soir-là, il est arrivé en rage à la maison. Il m’a crié après, m’a lancé des injures. Il disait que je ne le comprenais pas, que je ne voulais pas qu’il réussisse. Au bout d’un moment, je ne faisais même plus attention à ce qu’il disait. Je suis montée au premier et je me suis enfermée dans ma chambre.

— Dans ta chambre ?

— Oui… comment, tu ne le savais pas ? Evidemment, évidemment… Cela faisait un mois que nous n’avions pas dormi ensemble. Je te l’ai dit, que les choses allaient mal entre nous.

« J’ai entendu la porte de sa chambre claquer un moment après, et tout était tranquille. Je ne sais pas comment je me suis souvenue de la réception chez Gregory Banks. L’invitation devait être avec mon courrier sur la coiffeuse, au-dessus de la pile. J’avais besoin de sortir. Alors je l’ai prise et je suis partie.

— Et Larry ?

— Il était toujours à la maison quand j’ai sorti la voiture. Ne vois-tu pas à quel point c’était dur pour moi ? Je me sentais tellement coupable… Lorsque je t’ai rencontré, lorsque tu m’as fait l’amour, c’était très différent. J’avais l’impression que tu me donnais quelque chose et pas que tu prenais, comme avec Larry. Je ne savais que faire. Je me suis tout d’abord dit que j’allais le quitter. Puis je n’en ai pas eu le courage. Et d’une certaine manière, je l’aimais encore. Tout s’embrouillait. D’autant que les choses se sont un peu améliorées après cette soirée. Il faisait des efforts. Il travaillait un petit peu moins. Il restait davantage à la maison. Ce n’était pas grand-chose, mais une preuve de bonne volonté, tout de même. Et moi, j’étais malade de culpabilité pour l’avoir trompé. En plus, je n’avais pas l’impression de l’avoir trompé. Tout s’était si bien passé entre nous ! Mais il y avait quelque chose en moi qui disait que j’avais trahi sa confiance. »

Elle s’interrompit et il s’approcha d’elle, s’asseyant sur le sol et la laissant s’appuyer contre lui.

« Sur quoi Larry a été arrêté et j’ai fait le rapprochement avec le soir du meurtre. Les preuves paraissaient convaincantes, la voiture, la chemise. Et ce policier qui affirmait que c’était lui. Larry, pourtant, m’assurait qu’il était innocent. Qu’il était resté à la maison après mon départ. Il me l’a juré.

— Pourquoi ne pas m’avoir dit la vérité ?

— J’avais peur. Je voulais que tu défendes Larry parce que je croyais en toi. Je savais que tu pouvais le sortir de là. Si je t’avais dit la vérité… si je t’avais rappelé que le meurtre avait eu lieu le soir où nous nous sommes rencontrés… tu serais devenu un témoin à charge pour Larry.

— Et maintenant, étant son avocat, je ne peux plus l’être. »

Elle détourna les yeux et balbutia un « oui » d’une toute petite voix.

« Alors, que faisons-nous à présent, Jenny ?

— Que veux-tu dire ?

— – Ce que je veux dire ? Tu as commis un délit très grave, hier. Tu t’es parjurée. Larry aussi. Et je suis au courant. Sais-tu ce qu’est mon devoir, selon le code de déontologie du barreau ? En tant qu’avocat, officier de cour, je dois aller raconter au juge ce que vous avez fait et abandonner l’affaire si Larry refuse de revenir sur sa déposition. Je commets moi-même un délit grave et risque tout simplement d’être radié du barreau si je ne rapporte pas toute l’affaire au juge Rosenthal.

— Tu ne vas pas…, commença Jennifer.

— J’ignore ce que je vais faire. Les choses sont tellement embrouillées dans ma tête que je n’arrive pas à réfléchir. »

Il se leva et se dirigea vers la porte. Il avait l’impression d’avoir les pieds en plomb et n’avait plus le cœur à rien. Le procès, son métier, cette femme, sa vie. Plus rien n’avait de sens. Il n’y avait plus de valeurs, plus de buts.

« David, dit-elle lorsqu’il fut près de la porte, je t’aime. Tu le sais, n’est-ce pas ? Dis-moi au moins que tu sais que je ne t’ai jamais menti là-dessus. »

Il se tourna pour lui faire face. Il n’était plus en colère contre elle, seulement mort, à l’intérieur.

« Je sais que tu t’es servie de moi, Jenny. Que tu as joué sur mes sentiments. Je sais que je t’aime encore, mais je ne sais pas si je pourrais avoir de nouveau confiance en toi.

— Oh ! Seigneur ! David ! s’exclama-t-elle. Ne me traite pas comme ça. Tu ne comprends pas ? Je ne sais pas si Larry a tué cette femme ou pas, mais s’il est innocent, il faut l’aider, et s’il est coupable… je ne peux pas supporter l’idée qu’il irait en prison en pensant qu’il s’en est pris à cette femme à cause de moi. »

*

Les bas-côtés défilaient et un coup de klaxon, de temps en temps, venait rompre la quiétude de la nuit. Il aurait été tellement facile de mettre un terme à tout cela en fermant les yeux et en laissant la voiture s’occuper du reste. Lorsque la route commença à valser, David secoua la tête pour s’éclaircir les idées. Il n’avait aucune envie de mourir. Il était au moins certain de cela. Mais en ce moment, sa vie n’était que confusion et tourment.

Plusieurs solutions se présentaient à lui. Il pouvait obliger Jennifer à retourner à la barre pour qu’elle revienne sur sa première déposition ; il pouvait s’adresser au juge, au cas où elle refuserait ; ou bien il pouvait ne rien faire. Si jamais Jennifer disait la vérité, Larry serait condamné à coup sûr.

Cela serait-il si terrible ? Oui, s’il n’était pas coupable. Demeurait encore cette possibilité. Jusqu’à ce soir, David était resté convaincu de l’innocence de son client. Les photos avaient discrédité le témoignage d’Ortiz. La version de Larry, telle que la présentait la défense, était parfaitement crédible. Mais si jamais il se trompait, si Larry était coupable ?

David repensa à Ashmore et à Tony Seals. Il était écœuré. Il revoyait en esprit les photos d’autopsie des petites filles que Ashmore avait molestées, violées et tuées ; il entendait à nouveau Jessie Garza lui décrire son calvaire dans la montagne… Qu’avait-il à défendre ces gens ?

Et Larry Stafford ? Où se tenait-il dans le tableau ? David revoyait l’entaille au cou de Darlene Hersch. Voilà pour quelle raison les avocats faisaient des pieds et des mains pour que l’on ne montrât pas les photos des victimes. La mort, on pouvait la rendre abstraite et acceptable par des paroles, mais des photos présentées au jury lui rendaient toute sa réalité ; alors, on sentait, on reniflait, on éprouvait toute l’horreur de la mort violente. David en avait une conscience aiguë en cet instant. La carapace d’acier dans laquelle il avait enfermé sa sensibilité avait commencé à se craqueler avec l’affaire Ashmore ; ses défenses, à présent, étaient toutes au plus bas. Sa crainte d’être responsable de la relaxe d’un autre tueur, cependant, entrait en conflit avec l’amour qu’il éprouvait pour Jennifer. Il se sentait manipulé, il se trouvait fou, mais il ne l’en aimait pas moins. En fin de compte, il ne savait toujours pas ce qu’il allait faire.

Le Dernier Homme Innocent
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